En plus de l’étymologie biblique, les
auteurs mentionnent Tite-Live, historien romain du Ier siècle. Ils affirment que dans ses écrits, la « crux désigne un simple poteau. Ce n’est que plus tard que le terme a pris le
sens de “ croix”. »
Question 1
: est-ce que pour Tite-Live le mot crux désigne
uniquement un simple poteau ?
a)
Tite-Live ne
donne aucun renseignement sur la forme de la croix
Tite-Live
mentionne plusieurs fois la croix (22.13.9/22.33.2/28.37.2/30.43.13/33.36.3/38.48.13, (1)), mais il n’en indique jamais la forme. Par exemple : « Mago … les fit
déchirer de verges et mettre en croix. »
(28.37.1 – 2). Ce supplice des
magistrats de la ville de Gadès a bien des points en commun avec celui de
Jésus : ils sont battus de verges et cloués sur des croix. Mais, rien n’est indiqué sur leur forme :
le contexte ne nous donne pas le moindre renseignement. Signalons que ces événements se sont
déroulés lors des années 207 – 205 avant notre ère.
b)
Quand Tite-Live
parle du poteau, il se sert du mot « palus »
Par
contre, dans ces œuvres Tite-Live se sert aussi d’un autre mot latin, palus, pour désigner
un poteau vertical : « va licteur, attache-le au poteau (deliga ad palum). », et « Ils furent attachés à un poteau (Deligati ad palum), frappés de verges et
décapités. » (2) Quand Tite-Live veut relater que quelqu’un a été
supplicié au poteau vertical il se sert du mot palus. Alors, la crux peut représenter plus qu’un simple poteau !
Nous n'avons pas encore répondu à la question, pour y parvenir nous posons d'abord une deuxième, puis une troisième question :
Nous n'avons pas encore répondu à la question, pour y parvenir nous posons d'abord une deuxième, puis une troisième question :
Question 2
: est-ce seulement après la mort de Tite-Live en l’an 17 de notre ère que le
mot « croix » a pris le sens d’une croix avec traverse ?
Les auteurs de l’Appendice affirment
« Ce n’est que plus tard (après Tite-Live) que le terme a pris le sens de “croix”. »
Cette remarque nous amène à la question « cruciale » :
puisque le sens des mots a évolué le long des siècles, à partir de quand le mot crux a-t-il également
désigné une croix avec traverse ?
Nous partageons qu’à l’origine les
différents mots désignaient un poteau ou un pieu, que son sens s’est élargi
plus tard pour comprendre également la croix avec traverse. Ainsi, il est clair qu’au temps de la reine
Esther en Babylone Hamman et ses fils ont été pendus à une potence, et non à
une croix dont l’existence n’est jamais attestée à cette époque. Mais le récit d’Esther se situe 5 siècles
avant notre ère !
Les auteurs de l’Appendice écrivent
qu’au 1er siècle les mots « stauros,
stauroô, xulon et crux »
n’avaient rien à voir avec une croix avec traverse, que ce n’est que bien plus
tard que ces mots ont revêtu la signification d’une croix avec traverse. Ils n’apportent pas la
preuve de leur affirmation. Puisque tous les dictionnaires
indiquent le sens de « croix » avec traverse, il fallait
nécessairement apporter une preuve que les mots ne revêtaient pas encore cette
signification au premier siècle de notre ère.
Question cruciale : à partir de quelle époque le mot crux a-t-il pris
également le sens de croix avec traverse ?
Nous avons effectué des recherches dans
les écrits de Plaute, auteur romain
qui est décédé en l’an 184 avant notre ère, plus de 200 ans avant la
crucifixion de Jésus. Voici quelques
citations (texte latin dans les notes) qui nous aident à saisir le sens du mot
« crux » de son temps :
- « Je
l’admets, je lève mes mains ! Et plus tard, tu les maintiendras sur une furca. Allons vers la crucifixion
! » (furcis, crucem)
-
« Te
voilà, je pense, dans la posture où il faudra bientôt mourir à la porte de la
ville, les bras (étendus) sur le gibet (patibulum). »
-
« Oh,
je parie que les bourreaux te regarderont comme un crible humain, t’infligeant une multitude de trous
lorsqu’ils te traîneront dans les rues, tes bras sur le patibulum …
-
« Je
porterai le patibulum à travers la
ville ; je serai par la suite cloué sur la crux. »
(3)
Ces citations démontrent que
Plaute :
(1)
connaissait
le patibulum (la barre transversale
de la croix) et la furca (carcan)
(2)
savait
que le supplicié étendait ses bras sur le
patibulum
(3)
qu’il
portait le patibulum jusqu’au lieu d’exécution
(4)
qu’il
était sévèrement flagellé lors de son passage en ville
(5)
qu’il
mourrait hors de la porte de la ville
(6)
que
ce n’est qu’à cet endroit qu’il était cloué sur la croix.
Ainsi, du temps de Plaute, la croix
était un poteau auquel le patibulum
ou la furca était accroché. Et s’il écrit cela avant 1’an 184 avant notre
ère (p.ex. son oeuvre Miles Gloriosus est datée autour de l’an 205 avant J.-C.), cela
démontre que la croix avec transversale était déjà connu depuis un certain
temps. Il devait être accepté dans ce
sens depuis au moins 2-3 décennies au moment au Plaute écrit. Nous
affirmons donc que le mot « crux » revêtait la signification de croix
avec traverse avant l’an 200 avant notre ère ! Les citations de Plaute montrent que la croix
avec traverse était connue depuis plus de deux siècles quand Tite-Live
écrivait. (4)
Résumé
:
La
signification du mot crux a évolué le long de l’histoire. A l’origine il décrivait un simple
poteau, plus tard il a revêtu le sens de la croix.
Les
auteurs de l’Appendice, devant le témoignage massif des dictionnaires que le
mot crux signifie également « croix »,
n’apportent pas de preuve qu’au premier siècle la crux ne désignait qu’un simple poteau sans traverse.
Nous
avons apporté la preuve par l’auteur Plaute qu’avant l’an 200 avant notre ère,
la crux désignait une croix avec
traverse. Par conséquence :
1) Il
est donc faux d’affirmer que ce n’est que bien après le premier siècle de notre
ère que le mot latin crux aurait revêtu la signification de croix
avec traverse.
2) Il est faux d’affirmer pour Tite-Live que le mot crux désigne uniquement le poteau.
3) Il est certain que Tite-Live connaissait la croix avec
traverse.
Notes :
(1) A Concordance to Livy, Packard, Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 1968 (différentes formes du mot crux)
(2)
Histoire
Romaine, Tite-Live, 8.7.19 et 28.29.11.
(3)
(a) (Do) “ Fateor,
manus do vobis.
(To) Et post
dabis sub furcis.
(Sag.) Abi intro—in crucem. ”
Plaute. T. Macci Comoediae. Tomus II.
W.M. Lindsay, Oxford University Press 1980.
Persa
855 (p. 185 – 186)
(b) “ Credo ego istoc exemplo tibi esse
pereundum extra portam, Dispessis manibus patibulum quom
habebis. ”
Plaute.
Comédies IV. Miles Gloriosus 359 – 360 (p. 196). Texte par Alfred Ernout, « Les Belles
Lettres », Paris 1963.
(c) “o carnuficium cribrum, quod credo fore, ita te forabunt
patibulatum per vias stimulis (carnufices) …”
Plaute. T.
Macci Comoediae. Tomus II. W.M. Lindsay, Oxford University Press 1980.
Mostellaria 55 – 57 (p. 85)
(d) “ Patibulum ferat per urbum, deinde
adfigatur cruci. ”
Plaute. T. Macci
Comoediae. Tomus II. W.M. Lindsay, Oxford University Press
1980.
Mostellaria 55 – 57 (p. 85)
(4) Pour approfondir, nous recommandons la lecture des pages 19 - 24 de l'étude « Les Témoins de Jéhovah et la Croix", Leolaia, Jehovah's Witness Discussion Forum 1990. Traduction et adaptation française par Jacques Luc, 2009. Lien : http://www.aggelia.be/croix.pdf
(4) Pour approfondir, nous recommandons la lecture des pages 19 - 24 de l'étude « Les Témoins de Jéhovah et la Croix", Leolaia, Jehovah's Witness Discussion Forum 1990. Traduction et adaptation française par Jacques Luc, 2009. Lien : http://www.aggelia.be/croix.pdf