mardi 26 août 2014

Introduction

               

           
           Dans l’Appendice 5c « Poteau de supplice », publié dans leur Bible appelée aussi « Traduction du monde nouveau » (TMN), pages 1702 – 1704 de l’éditions 1995, les auteurs avancent divers arguments et citations en faveur de leur conviction que Jésus aurait souffert sur un poteau vertical, et non pas sur une croix.

            Dans un article publié dans le trimestriel « L’Eau Vive » (n° 168) sous le titre « Jésus a-t-il été crucifié sur un poteau ou sur une croix avec barre transversale ? » nous avons annoncé une suite axée sur la méthodologie de l’appendice (cf. Annexe 1).

            Dans ce blog nous produisons le résultat de nos recherches.  Nous nous sommes intéressés au contenu de l’appendice « Poteau du supplice » dans la Bible des Témoins de Jéhovah : nous avons vérifié les citations, examiné les arguments pour voir si les faits sont avérés, et mis en lumière la méthodologie utilisée. 

            Notre seul principe est la recherche de la vérité : tout lecteur qui aime la vérité sera à l’aise, sachant que le Dieu de la Bible est le « Dieu vivant et vrai » (1 Thes. 1 : 9).  Dans les chapitres qui suivent, nous vérifions les citations et les dictionnaires, nous examinons les arguments dans leur contexte et mettons la méthodologie en évidence.  Notre attitude est celle du respect : écouter les arguments, les examiner dans leur contexte et s’il y a lieu y apporter une réponse circonstanciée. 

            Voici la table des matières des chapitres :

Chapitre 1: La forme de la croix avec traverse est-elle un symbole païen ?

Chapitre 2 : Le poteau n’est-il pas un symbole païen ?

Chapitre 3 : Est-ce correct que les mots grecs « stauros, stauroo et xulon » 
                    n’ont rien à voir avec une croix avec traverse ?

Chapitre 4 : Le mot « crux », croix en latin, désigne-t-il seulement un poteau ?

Chapitre 5 : N’est-ce que bien après Tite-Live que le mot « crux » a pris le sens 
                    de « croix » ?

Chapitre 6 : L’argument de Juste Lipse : en faveur du poteau ou de la croix ?

Chapitre 7 : Appréciation des deux premières affirmations de H. Fulda

Chapitre 8 : Les Pères de l’Eglise ont-ils enseigné que Jésus était cloué sur un poteau ?

Chapitre 9 : Les Pères de l’Eglise ont-ils enseigné que Jésus était cloué sur une croix ?

Chapitre 10 : Quelles difficultés soulève l’affirmation du professeur Paul W. Schmidt ?

Chapitre 11 : Résumé des conclusions

Chapitre 12 : Quels sont les principes méthodologiques employés ?

Annexe 1 : « Jésus a-t-il été crucifié sur un poteau ou sur une croix 
                   avec barre transversale? »

Annexe 2 : Les différentes illustrations de la croix dans l’œuvre de Juste Lipse

Annexe 3 : Remerciements

Atouts de ce blog :

1) La reproduction de toutes les illustrations de crucifixion du livre de Juste Lipse « Ce cruci libri tres », comparaison entre ces illustrations et celle qui est reproduite à la page 1703 de l’Appendice, qui nous mène à une question pertinente et une conclusion inattendue. (Chapitre 6 et Annexe 2).

2) Vaste recherche sur les citations de la forme de la croix parmi les Pères d’Eglise du 1er jusqu’au milieu du 3e siècle.  Confrontation de nos découvertes à l’argumentation de l’œuvre de Fulda, mentionnée à la page 1703.  (Chapitres 8 et 9)

3) Mise en évidence d’une contradiction entre l’allégation que la croix serait un symbole païen, et l’œuvre de Fulda qui, dans le contexte du passage cité à la page 1703, prétend le contraire.

Je vous souhaite une bonne lecture et de fructueuses recherches !

Pasteur Emile Carp

Wavre, Belgique

Chapitre 1: La forme de la croix avec traverse est-elle un symbole païen ?

Selon les auteurs de l’Appendice, la croix serait un symbole païen de la Chaldée antique utilisé depuis des siècles avant Jésus-Christ, spécifiquement un symbole du dieu Tammouz.  C’est vers le milieu du 3e siècle que ceux qui rejoignaient les Eglises en masse auraient importés leurs signes païens (Appendice, paragraphe 1, lignes 5 – 7, paragraphe 3 : lignes 11 es.). 


            Remarquons que ces informations proviennent du Vine’s Complete Expository Dictionnairy of Old an New Testament Words page 138 qui reproduit des arguments des protestants Darbystes dont certains avaient rejeté la forme traditionnelle de la croix.  Tout le 3e paragraphe de l’Appendice à partir de la 5e ligne est une longue citation de Vine’s.  La citation est exacte, mais les affirmations sont-elles vraies ?

a)      Avant l’an 250 tous les chrétiens pensaient-ils que Jésus était cloué sur un poteau ?

            L’affirmation que les Eglises chrétiennes auraient adopté la croix avec traverse au milieu du 3e siècle présuppose qu’avant l’an 250 tous les chrétiens pensaient que Jésus était cloué sur un simple poteau.  Ceci est impossible à démontrer : ni par les textes des trois premiers siècles, ni par des découvertes archéologiques.  Aucun écrit ne mentionne que Jésus ait été cloué sur un poteau.  Par contre, la forme de la croix avec traverse est mentionnée à maintes reprises avant l’an 250.  La première indication date d’avant l’an 110 de notre ère, passage qui exclut la forme du simple poteau.  Voir pour plus de détails au chapitre 9.

b)     La croix avec traverse provient-il du culte du dieu Tammouz ?

Une deuxième affirmation concerne l’influence du culte du dieu Tammouz,  une divinité chaldéenne.  Mais ce culte était-il tellement répandu après le 1er siècle que partout les Eglises puissent changer du poteau à la croix ? Comme nous le verrons au chapitre neuf, avant la moitié du 3e siècle, les chrétiens en France, Rome, Afrique du Nord, Egypte et du Moyen-Orient Alexandrie croyaient à la croix avec traverse.  Pour que le culte de Tammouz puisse exercer une telle influence, elle a dû l’exercer partout dans l’empire romain, où sont les traces du culte de Tammouz dans l’empire romain ? Impossible à trouver ! En plus, ce culte a dû exercer son influence bien plus tôt si la conception de la croix est de sa provenance ! Dans les cinq livres d’Irénée de Lyon « Contre les Hérésies », le culte de Tammouz n’est pas mentionné une seule fois.  D’un autre livre, « Le culte et les fêtes d’Adônis-Thammouz dans l’Orient antique », nous apprenons que le culte d’Adonis était assez répandu au Liban et même en Israël, mais ce livre ne fait aucune référence au symbole du Tau.  L’épi, le sanglier, le soleil, … pouvaient être des signes d’Adonis, mais la lettre Tau n’est pas mentionnée.  Ni Adonis, ni Tammouz ne sont représentés pendus à un poteau.  Nous avons cherché une influence possible du culte de Tammouz ou d’Adonis-Tammouz par rapport à la croix, et nous n’avons rien trouvé.  (1) L’affirmation est impossible à démontrer, et encore moins à dater.  Même dans les publications des Témoins de Jéhovah différentes dates circulent, comme l’adoption de la croix sous l’empereur Constantin, c’est-à-dire vers l’an 320, donc quelque 70 ans plus tard. (2)

c)      Quelles traces des débats théologiques ?

            Supposons que les auteurs de l’Appendice ont raison, alors la compréhension de la mort de Jésus sur le poteau était celle d’origine qui s’est développée pendant au moins 200 ans.  Dans ce cas, la nouvelle conception a nécessairement dû susciter des débats.  Nous savons que Justin Martyr, Irénée, Tertullien ont discuté fermement avec des Juifs et des gnostiques de toute sorte.  De grands débats ont été menés dans l’Eglise des premiers siècles, mais il n’y a aucune trace de débat sur la forme de la croix. 

d)     Première cerise sur le gâteau : la croix existante depuis l’Eglise primitive !

            Dans son livre Das Kreuz und die Kreuzigung (3), cité avec approbation à la page 1703 dans l’Appendice, l’auteur Hermann Fulda contredit une introduction tardive de la croix.  Pour lui la forme de la croix existait depuis l’Eglise primitive : « dans la Tradition de l’Eglise primitive existait à côté de l’une aussi l’autre représentation de la crucifixion de Jésus »  (p. 223, lignes 20 – 21, cf. p. 228, rubrique 354, ligne 7 es.).  Pour Fulda, les deux formes de la croix coexistaient depuis les origines dans les Eglises (bien qu’il affirme que le poteau aurait légèrement précédé la croix), c’est Tertullien qui vers l’an 210 aurait permis à la croix avec traverse de prendre le dessus (p. 229, ligne 1 es.).   

e)      Deuxième cerise sur le gâteau : la croix comme rejet des symboles païens !

            Et il y a plus : il contredit aussi que la croix soit d’origine païenne.  Fulda écrit que Tertullien ne voulait pas du poteau parce que c’était un symbole païen qui rappelait Hermès, le dieu des voyageurs.  L’image d’Hermès était sculptée sur des colonnes en grand nombre le long des rues d’Athènes (p. 222 – 223).  Le poteau était un signe d’idolâtrie : le choix de la croix avec traverse était donc une option anti-païenne ! Quelques pages plus loin, Fulda écrit que Tertullien aurait agi « à cause de son zèle pour la pureté de l’Eglise », qu’il s’agissait d’un « avertissement de la similitude avec les cultes païens » (p. 229, lignes 5-6, lignes 13 – 14).  Donc, les auteurs affirment que les Eglises ont adopté un symbole païen, tandis que l’œuvre qu’ils citent affirme haut et fort le contraire sur plusieurs pages, que c’était pour purifier l’Eglise d’un symbole païen que la forme de la croix avec traverse a été adoptée !

            Remarquons que les affirmations de Fulda mentionnés ci-dessus suivent directement la citation donnée dans l’Appendice à la page 1703 : elles expliquent les 3 points mentionnés dans dans le 5e paragraphe, elles donnent leur sens selon la conception de l’auteur allemand.  Il n’est donc pas possible pour une personne qui effectue un travail consciencieux de ne pas connaître le contenu des pages 217 – 232 du livre de Fulda.

Résumé :
-            L’Appendice cite correctement le commentaire du « Vine’s … Dictionary »
-            Les arguments avancés sont incorrects : il n’y a aucune trace explicite de Jésus mourant sur le poteau pendant les trois premiers siècles de notre ère, il n’y a aucune indication que le symbole de la croix vient du culte de Tammouz, voire d’Adonis.
-            L’auteur H. Fulda, cité avec approbation, affirme dans le contexte direct du passage cité à la page 1703 : 1) que la forme de la croix existait depuis l’origine de l’Eglise primitive avec le poteau, 2) que les Eglises auraient adopté la croix avec traverse pour ne pas utiliser un symbole païen = le poteau.  
-            Il y a une contradiction phénoménale dans l’Appendice entre l’affirmation que la croix serait un symbole païen et la citation de Fulda dont l’explication atteste que les Eglises ont rejeté le paganisme en adoptant la croix, ainsi que sur la datation.

             Alors, se pose la question : les auteurs de l’Appendice ignorent-ils le contenu des pages 220 – 232 de Fulda, manifestant ainsi une incompétence (p.ex. une incapacité de lire l’Allemand), ou écrivent-ils en connaissance de cause ? Au lieu d’avancer des hypothèses, il serait mieux que la Société de la Tour de Garde explique les contradictions entre Fulda (p. 220 – 232) et l’Appendice.

(1)     « Le culte et les fêtes d’Adônis-Thammouz dans l’Orient antique », Charles Vellay, Paris 1904, https://archive.org/stream/leculteetlesfte01vellgoog#page/n10/mode/2up
(2)     « Qu’enseigne réellement la Bible ? », Editions les Témoins de Jéhovah 2005, p. 205.

(3)     « Das Kreuz und die Kreuzigung », Hermann Fulda, Breslau 1878, https://archive.org/stream/daskreuzunddiek01fuldgoog#page/n43/mode/2up

Chapitre 2 : Le poteau n’est-il pas un symbole païen ?

Si ceux qui croient à la croix peuvent être reprochés d’avoir adopté un symbole païen, la même question est-elle posée à ceux qui croient au poteau ? Il s’agit d’être rigoureux, d’appliquer les mêmes principes également à soi-même, d’éviter d’avoir deux poids, deux mesures. 

            Dans l’Appendice la question n’est même pas posée, ce qui est étonnant à quatre titres :

a)        Premièrement, la Bible donne des exemples de poteaux sacrés, notamment de la déesse Achéra, une divinité païenne.  La TMN parle d’ailleurs clairement du « poteau sacré » en Juges 6 : 25, 26, 28, 30, déjà 1200 ans avant notre ère.  Le « poteau sacré » est donc connu comme symbole païen, ce qui implique la nécessité de poser la question si la forme du poteau de supplice de Jésus ne serait pas d’origine païenne, ne fut-ce que pour démontrer que son point de vue peut supporter la critique.
b)        Deuxièmement, au temps où Jésus vécut, dans la mythologie grecque plusieurs satires ou démiurges
(des êtres spirituels ou divinités inférieures, donc païens) étaient pendus aux poteaux.  Voici l’image du dieu grec Marsyas qui a été pendu et écorché vif au poteau (exposé au Musée du Louvre).  Comme le poteau existait comme symbole païen aux premiers siècles de l’histoire de l’Eglise, surtout en Grèce où ces démiurges étaient représentés sur de nombreuses colonnes, il est essentiel de poser la question si la forme du poteau de Jésus ne puisse être d’origine païenne.
c)        Troisièmement, le fait que le pasteur H. Fulda, dans son livre cité dans l’Appendice p. 1703, mentionne le poteau comme un symbole païen, symbole que les Eglises auraient rejeté pour se démarquer du paganisme.
d)       Quand on applique une question aux autres, on l’applique également à soi-même également.  Celui qui est consciencieux appliquera la question encore d’avantage à soi-même pour être tout à fait sûr de sa position.

Résumé :
-            Un même principe est d’application à tous, sinon l’approche est partiale 
-            Les auteurs de l’Appendice ne posent pas la question si le poteau pouvait être un symbole païen : pourtant, ils connaissent la Bible, ignorent-ils les pages de Fulda qui explicitent la citation mentionnée à la page 1703 ?

Notre intention n’est pas de dire que le poteau serait un symbole païen, car pour cela il faudrait prouver que l’image proviendrait d’une religion païenne.  Bien des gens ont été pendus aux poteaux ou aux arbres en dehors de tout cadre religieux, comme lors d’exécutions d’opposants en grand nombre.  C'est le principe d’appliquer les mêmes principes d’un côté comme d’un autre.  

Chapitre 3 : Est-ce correct que les mots grecs « stauros, stauroo et xulon » n’ont rien à voir avec une croix avec traverse ?

a)        Le substantif grec stauros

Dès le premier paragraphe, les auteurs affirment que « Rien ne permet d’affirmer que le mot grec stauros employé ici (Matthieu 27 : 40) désigne une croix … » (1er paragraphe, lignes 4 – 5).  C’est à juste titre que le sens des mots est abordé comme premier argument par les auteurs.  S’il est vrai que la seule signification du mot stauros est « poteau » ou « pieu », alors c’est un argument décisif pour la version selon laquelle Jésus n’aurait pas été cloué sur une croix avec traverse.   Le sens du mot est essentiel, mais est-ce que le mot stauros désigne uniquement un « poteau » ?

Notre principe est de vérifier toutes les citations. Nous avons consulté 3 dictionnaires  Grec-Français, 4 Grec-Anglais, 2 Grec-Allemand, et 1 Grec-Latin, 1 Grec-Neerlandais.  Nous n’avons écarté aucun dictionnaire à part A Patristic Greek Lexicon (1).  Tous ces dictionnaires donnent au mot stauros également le sens de « croix » à côté de « poteau » et « pieu » ! Nous avons donc toutes les raisons d’affirmer que le mot stauros en Matthieu 27 : 40 et partout ailleurs dans la Bible peut être traduit par « croix ». Par conséquence, l’affirmation que stauros ne pourrait que désigner un « poteau », « sans travers d’aucune sorte » comme le prétendent les auteurs (2e paragraphe, lignes 9 – 11) est fausse.

b)       Le verbe grec stauroo

L’Appendice poursuit sur la même lancée pour le verbe stauroô qui est défini comme « dresser des pieux, élever une palissade » (2e paragraphe lignes 4 – 5), et «  fixer à un pieu ou à un poteau’ … à distinguer, quant à l’origine, de la croix ecclésiastique composée de deux pièces de bois. » (3e paragraphe lignes 8 – 11).

Dictionnaire A. Bailli pour stauroô :
2. crucifier
Le sens original de stauroô est-il seulement « fixer à un pieu ou à un poteau ? Dans les 11 dictionnaires consultés, un seul omet toute mention du verbe, mais les 10 autres donnent parmi les définitions également celui de « crucifier », une concordance de 100%.  L’affirmation que le verbe stauroô signifie uniquement « fixer à un pieu ou à un poteau » est fausse.

c)        Le substantif grec xulon

Les auteurs mentionnent encore un autre substantif grec employé pour l’instrument de l’exécution de Jésus : xulon.  Ils donnent comme traduction le sens de « poteau vertical » ou de « poutre » qu’il a effectivement dans certains contextes, comme celui du livre d’Esdras ou d’Esther avec l’exécution de Haman (Est 7 : 9 – 10, …).  Ils affirment que le mot xulon désigne un poteau « sans traverse » (2e paragraphe, lignes 15 – 18).  Est-ce la seule signification possible, ce mot exclut la possibilité d’une traverse ???

Dictionnaire A. Bailli pour xulon :
8. "croix pour crucifier"
A nouveau, nous avons vérifié les divers dictionnaires. Ils donnent un grand éventail de traductions possibles : bois, poutre, « tout ce qui a été fabriqué de bois », croix, arbre, les blocs en bois aux pieds des apôtres dans la prison de Philippe (Actes 16 : 24), et d’autres ....  Parmi les 11 dictionnaires consultés : 10 donnent la traduction possible de « croix », la seule qui ne la donne pas explicitement mentionne « bois de construction … beaucoup de dérivés » (la croix répond à ce critère), aucun des dictionnaires n’ouvre la moindre allusion d’exclusion de traverse.  L’affirmation selon laquelle xulon ne pourrait que désigner un poteau sans traverse est totalement fausse.

Tableau des dictionnaires :

Dans ce tableau nous n’avons indiqué les différents dictionnaires que nous avons consultés suivi de la traduction de « croix », « crucifier » ou équivalent quand il se trouve parmi les différentes définitions.  Pour les langues étrangères, nous l’avons traduit en français.  Il y a toujours plusieurs traductions : dans le dictionnaire Bailli le mot stauros est d'abord défini par « pieu pour une palissade », puis par « pal, poteau, poteau avec une traverse, d'où croix ».  Donc, la croix est une traduction possible.  De même, le verbe stauroô a comme premier sens « élever une palissade », puis en deuxième lieu « crucifier ».  Dans le cas de xulon, c'est comme huitième signification que « croix pour crucifier » est mentionnée.

Dictionnaires (11)
Stauros
= « croix »
Stauroo
= « crucifier »
Xulon
= « croix »
Dictionnaire Grec-Français
A. Bailli, Paris 1950
“croix”
“crucifier”
“croix pour crucifier”
Dictionnaire Etymologique de la Langue Grecque.  E. Boisacq
Carl Winter, Heidelberg 1950.
“croix”
----
“bois de construction  … nombreux sens dérivés”
Dictionnaire Grec-Français avec Vocabulaire des noms propres.
Alexandre.  Hacette, Paris 1886
croix
crucifier
croix
Thayer’s Greek English Lexicon of the New Testament, Grand Rapids, 1978
“croix”
“crucifier”
“croix”
The Analytical Greek Lexicon
Samuel Bagster and Sons Ltd
London 1977
“croix”
“crucifier”
“croix”
A Greek-English Lexicon, Liddell & Scott.  Oxford University Press, Oxford.
“croix”
“crucifier”
“croix”
Strong’s Exhaustive Concordance of the Bible, Greek Dictionary of the New Testament, Virginia

“croix”
“crucifier”
“croix”
Griechisch-Deutsches Wörterbuch zum Neuen Testaments.  W. Bauer.  Walter De Gruyter, Berlin, New York 1971
“croix”
“crucifier”
“croix”
Benselers Griechisch-Deutsches Schulwörterbuch.  A. Kaegi.  Leipzig, Berglin 1931
“croix”
“crucifier”
“croix”
Grieks-Nederlands Woordenboek
Prof. G.J.M. Bartelink
Utrecht/Antwerpen, 1975
“croix”
“crucifier”
“croix”
Thesaurus Graecae Linguea, H. Stephano
Paris, 1842 - 1846
“croix” 
“crucifier”
“croix”
Bilan
100%
100%
quand le mot grec est présent
100%
Explicites : 10
Implicite :   1

d)       Les citations du dictionnaire Vine’s, p. 1702 et 1703 :
 
Vine's page 138
L’Appendice « Poteau de supplice » cite la Vine’s Complete Expository Dictionnary of Old and New Testament Words (2).   Nous avons déjà constaté que tout le paragraphe 4 dès la 5e ligne jusqu’à la fin en est une longue citation de la page 138.  Dans ce dictionnaire stauros n’a que « pieu » ou « poteau » comme traduction, celle de « croix » n’y est pas indiquée.   Par contre, ce dictionnaire n’affirme pas qu’en grec commun (koinè) le mot stauros désignait « un simple poteau … sans traverse d’aucune sorte » (paragraphe 2, lignes 9 – 10).

Le mot xulon est mentionné sous le substantif « arbre » et défini comme « la croix, l’arbre étant le stauros, le poteau vertical ou pieu auquel les Romains clouaient ceux qui étaient ainsi exécutés (p. 642).  Le mot y est défini comme « croix », le contexte du poteau est donné, mais aucune preuve qu’il ne pouvait avoir de traverse.  Notons le sens général de Vine’s : le dictionnaire mentionne ceux que les Romains exécutaient.  Ou les auteurs latins attestent qu’au temps de Jésus, et même plus de 2 siècles plus tôt, qu’une barre horizontale appelée patibulum pouvait être hissée sur le poteau.

Trois observations :
(1)     Ce dictionnaire est le seul que nous avons trouvé qui ne donne pas la traduction de « croix » pour le mot stauros.  Tous les autres dictionnaires dont nous avons connaissance mentionnent la traduction de « croix ».  Sur ce point, le dictionnaire Vine’s est en rupture avec l’ensemble des dictionnaires, même avec Strong’s Exhaustive Concordance dont il se réclame (voir Strong’s : stauros y est traduit par « cross » = « croix » n° 4716, et le verbe stauroo par « crucify » = crucifier, n° 4717).
(2)     Les auteurs connaissent la signification de « croix » pour stauros et de crucifier pour le verbe stauroo, car dans tous les cours de Grec ces sens du mot sont appris. 
(3)     Le choix du dictionnaire Vine’s n’est donc pas un hasard : c’est le seul dictionnaire qui ne donne pas le sens de « croix » et qui arrange donc les auteurs de l’Appendice.  Ceux-ci omettent de faire référence aux autres dictionnaires et au sens partout ailleurs attesté de croix.

Résumé :

Dans tous les dictionnaires consultés sans exception, les substantifs stauros et xulon ainsi que le verbe stauroô sont toujours traduits par « croix, crucifier ».  Ces mots ne désignent pas exclusivement un poteau sans traverse.
Les trois affirmations sont fausses : chaque mot peut désigner une croix avec traverse.
Les auteurs citent le dictionnaire de Vine’s, le seul à notre connaissance qui ne traduit pas stauros par « croix ».  C’est une traduction en rupture avec tous les autres dictionnaires, dont une de ses propres sources : Strong’s

Remarque : dans la Loi de Moïse, un principe est clairement défini : un seul témoin ne suffit pas, il faut au moins deux ou trois témoins pour établir un fait (Deutéronome 19 : 15).  Dans l’Appendice, les auteurs ne mentionnent qu’un seul témoin : le dictionnaire de Vine’s.  Nous citons 11 autres dictionnaires, plus que demandé par la Loi, qui donnent tous un sens plus large.

Pour aller plus loin : nous vous recommandons la lecture des pages 11 - 18 de l'étude "Les Témoins de Jéhovah et la Croix" qui développe chaque sujet bien d'avantage.  (3)

Notes :

(1)     « A Patristic Greek Lexicon », G.W.H. Lampe, Oxford 1961.  Nous n’avons pas tenu compte de ce dictionnaire, car il présente le Grec patristique, donc c’est d’office que nous y trouvons les traductions de « croix » et de « crucifier ».  Nous avons tenu à citer les dictionnaires généraux du Grec classique, parmi ceux-ci se trouvent les plus réputés.
(2)     « Vine’s Complete Expository Dictionary of Old and New Testament Words», Nashville, 1985.
(3)     « Les Témoins de Jéhovah et la Croix", Leolaia, Jehovah's Witness Discussion Forum 1990.  Traduction et adaptation française par Jacques Luc, 2009.  Lien : http://www.aggelia.be/croix.pdf


Chapitre 4 : Le mot « crux », croix en latin, désigne-t-il seulement un poteau ?

Les auteurs de l’Appendice citent aussi le mot latin crux, bien que le latin ne soit pas une langue biblique originale.  Le Nouveau Testament a été rédigé en Grec, Jérôme a traduit la Vulgate à partir des langues bibliques entre les années 382 et 405. (1)

Il est intéressant de saisir le sens de la définition du mot crux donnée d’après le dictionnaire de Lewis et Short reprise dans l’appendice de la TMN : « Arbre, potence … autres instruments en bois pour l’exécution » (paragraphe 4, lignes 4 – 6).  La question est de savoir si cette définition soutient exclusivement le point de vue d’un simple poteau … ? Evidemment non ! En effet, une croix avec traverse répond aussi bien à la définition de « instrument en bois pour l’exécution ».   Présentée comme argument favorable pour la thèse du poteau, la définition est aussi favorable pour la thèse de la croix avec traverse ! 

Oxford  Latin Dictionary : les traductions
de "cross" = "croix" et "crucifixion"
apparaissent plusieurs fois 
L’interprétation du mot crux comme uniquement un simple poteau n’est certes pas celle des auteurs du dictionnaire cité : 1) la croix avec traverse répond à la définition « autres instruments en bois pour l’exécution »,  2) dans le Oxford Latin Dictionary, édité par la Oxford University Press en 1990, ouvrage qui fait suite au dictionnaire de Lewis et Short, la traduction de « croix » est explicitement mentionnée.  Malheureusement, nous n’avons pas pu trouver son prédécesseur « A Latin Dictionary » de 1879 pour vérifier si la traduction de « croix » y est aussi mentionnée. (2)

            Les auteurs indiquent que le simple poteau était appelée crux simplex (paragraphe 4, lignes 17 – 20).  Evidemment, c’était une des nombreuses formes de la croix.  Quand le terme crux simplex apparaît dans un texte, « croix simple » en Français, il s’agit évidemment de l’expression la plus élémentaire de la croire : le poteau.  L’ajout de l’adjectif simplex implique aussi qu’il y avait d’autres formes plus complexes, avec traverse ou cadran.  Les Romains connaissaient de nombreuses formes de crucifixion.  Sénèque, auteur romain décédé en l’an 65 du premier siècle, parle de lui-même : « Je vois devant moi des croix, non pas toutes du même modèle, mais variant avec le maître qui les fait faire : il en est qui pendant leurs victimes la tête en bas, d’autres les empalent, d’autres leur étendent les bras sur une potence. » (3)

Résumé :
-      Le mot crux est également traduit par « croix » dans les dictionnaires latins. 
-     La citation donnée ne convient pas seulement au poteau, elle est aussi favorable à la croix
      avec traverse
-     Il y avait un grand nombre de formes de crucifixion parmi les romains

(1)     Wikepedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Vulgate
(2)     Nous cherchons toujours à travailler sur base des documents mentionnés dans l’appendice pour vérifier s’ils sont correctement cités.  Nous serions heureux de recevoir une photo digitale de la page de garde (titre, auteurs et date) ainsi que de la définition du mot crux pour nous documenter correctement.  A envoyer à : pasteurcarp@skynet.be 

(3)     «  La crucifixion dans l’Antiquité et la folie du message de la croix », M. Hengel, Paris 1981, p. 39.  Citation de l’œuvre Consolation de Marcia, 20.3.