mardi 26 août 2014

Annexe 1 : Jésus a-t-il été crucifié sur un poteau ou sur une croix avec barre transversale?

Jésus a-t-il été crucifié sur un poteau ou sur une croix avec barre transversale ?


Les « Témoins de Jéhovah » (TdJ) prétendent que Jésus n’a pas été cloué sur une croix avec une barre transversale, mais sur un « poteau de supplice ».  Dans leurs brochures se trouvent des dessins de Jésus sur un simple poteau, les mains clouées au-dessus de sa tête.  Ils affirment que les premiers chrétiens n’auraient connu que le simple poteau, la croix ne serait qu’un symbole païen que les Eglises auraient adopté au milieu du 3e siècle.

Qu’en est-il : est-ce que Jésus a été cloué sur un « poteau de supplice », ou a-t-il été crucifié sur une croix avec une barre transversale ?

Dans leur Bible, la « Traduction du Monde Nouveau » (TMN), l’appendice 5c aborde le sujet, pages 1702 – 1704 dans l’édition de 1995.

Il y est affirmé que le mot grec « stauros » dans le NT désigne « un simple poteau ou pieu, sans traverse d’aucune sorte … ».  Comme les Béréens qui « examinaient chaque jour les Ecritures, pour voir si ce qu’on leur disait était exact » (Actes 17 : 11), vérifions dans les dictionnaires : dans le « Thayer’s Greek-English Lexicon of the New Testament » le mot « stauros » donne deux traductions possibles : poteau et croix (p. 586, n° 4716).  (1)  Les autres dictionnaires consultés confirment la même chose.  Les mots grecs utilisés laissent la question ouverte : il peut s’agir d’un poteau comme il peut s’agir d’une croix avec traverse.  Mais l’affirmation dans l’appendice de la TMN que le mot « stauros » ne pourrait que désigner un simple poteau sans traverse est totalement erronée.

L’histoire nous apprend que les Romains crucifiaient les esclaves ou ceux qui se rebellaient contre l’autorité impériale.  C’était une peine exemplaire, éprouvante et humiliante.  Les croix étaient le plus souvent dressées le long des routes où beaucoup de monde passait, l’agonie était horrible et pouvait en certains cas durer plusieurs jours.  L’historien Tite-Live atteste la crucifixion dès l’an 217 avant notre ère.  En 71 av JC, 6000 partisans de Spartacus étaient crucifiés le long de la Via Appia entre Rome et Capoue, sur une distance de 195 km.  En Israël, le roi hasmonéen Alexandre Jannée a crucifié 800 pharisiens lors d’un banquet en l’an 88 avant l’ère chrétienne.  Et quant à la forme de la croix, il y en avait au moins trois : 1) la crux simplex  ou poteau, 2) la crux commissa en forme de T : composée d’une poutre verticale, la stipes, et d’une poutre horizontale, la patibulum, qui était fixée au-dessus du poteau vertical (mortaise et tenon), 3) la crux immissa, avec la barre horizontale fixée en dessous du sommet du pieu vertical, comme la croix latine. (2)

Ces données historiques attestent qu’il y avait bien des crucifixions avec traverse au 1er siècle, mais ne répond pas encore à la question si Jésus a été crucifié sur un poteau ou sur une croix avec traverse. L’appendice de la TMN dit que « Rien ne prouve que Jésus Christ ait été crucifié sur deux pièces des bois se coupant à l’angle droit. » (p. 1704, nous soulignons).

Vraiment ? Nous invitons les Témoins de Jéhovah à découvrir ce que disent les textes bibliques :
1)      Jésus (Jean 19 : 17), puis Simon de Cyrène (Mt. 27 : 32 …) ont porté la croix/poteau.  Tous les textes emploient bien le verbe « porter » (’airoo) et non pas le verbe « trainer ».  La question est la suivante : s’il s’agit du poteau vertical, est-ce qu’un seul homme pouvait porter son poids ? Ce poteau devait mesurer au moins 3,70 m de longueur (3), avec un diamètre de 18 cm (un minimum !) et un poids de 0,8 kg/dm3 pour le bois, cela fait un poids de 75 kg.  Et si le poteau était plus épais ou plus long (cf. les dessins dans la Tour de Garde), il pesait bien d’avantage.  Il était donc tout à fait impossible pour un seul homme, même en parfaite santé, de porter un poteau aussi lourd de Gabbatha à Golgotha (Jean 19 : 13 - 18), une distance de plusieurs centaines de mètres.
2)     Dans le même registre, la longueur du poteau l’empêchait à être porté par un seul homme dans les ruelles étroites de Jérusalem.  Les soldats romains auraient sans doute chargé deux hommes de transporter un long poteau : l’un devant et l’autre derrière.  La longueur et le poids du poteau excluent qu’un seul homme ait pu le porter. 
Observation : manifestement, ce n’est ni le poteau vertical ni la croix latine, mais uniquement la barre transversale que Jésus et Simon ont porté : elle pesait moins de 50 kg et avait au plus 2 m de longueur.  Cette habitude est confirmée dans les textes des historiens : au tribunal la patibulum (barre transversale) était posée sur les épaules du condamné, ses bras y étaient attachés au moyen de cordes, il était escorté jusqu’au lieu de la crucifixion précédé de quelqu’un qui portait le titulus (le panneau qui indiquait le motif de sa condamnation).

3)     Le 3e indice biblique se trouve en Matthieu 27 : 37 qui indique que l’inscription était placée « au-dessus » de la tête de Jésus.  Si Jésus était cloué sur un poteau, ceci était tout à fait impossible, les bras l’empêchaient.  Dans ce cas, l’auteur aurait écrit que l’écriteau était placé « au-dessus de Jésus » ou « au-dessus de ses mains ».  Par contre, le texte de l’Evangile stipule : « On plaça au-dessus de sa tête une inscription », ce qui correspond parfaitement à la crucifixion sur une croix avec traverse.

4)     Une autre précision donnée par Jean  (20 : 25) est la mention des clous dans les
mains de Jésus : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous … » (nous soulignons).  Le texte affirme que plusieurs clous ont été plantés dans les mains de Jésus.  Ou si Jésus a été crucifié sur un simple poteau, qu’un seul clou a transpercé les mains de Jésus ! C’est ce qu’on trouve dans tous les dessins des publications des TdJ.  Cela ne correspond pas au texte biblique : il y a deux pluriels, au moins deux clous ont traversé les mains de Jésus.  Si les mains de Jésus ont été clouées sur une barre transversale, il y avait deux clous : une dans la main gauche, une autre dans la main droite.  Cela correspond parfaitement au texte biblique.

Un dernier élément à prendre en compte est l’annonce de la mort de Pierre par Jésus.  En Jean 21 : 18 – 19 Jésus dit à Pierre : « quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te l’attacheras et te mènera où tu ne voudras pas. »  Il est clair que Jésus indique à Pierre qu’il mourra crucifié, non pas en joignant les mains pour les clouer ensemble au-dessus de lui, mais en étendant ses mains.  Il s’agit là du condamné sur qui la barre transversale était attachée au tribunal (verbes « étendre »  et « attacher ») avant d’être conduit au lieu de l’exécution (verbe « mener »).  Ce texte prouve que les Romains du temps de Jésus crucifiaient aussi sur des croix avec traverse, que cet emploi était connu de Jésus, et que Pierre est mort de cette façon.  Pour que les lecteurs puissent comprendre ce que Jean écrit, il fallait que la pratique d’attacher les mains du condamné sur la poutre horizontale dès le tribunal était largement répandue.

Reste encore un élément : dans le livre des TdJ « Qu’enseigne réellement la Bible ? », « la preuve la plus convaincante » du poteau serait la citation de Deutéronome 21 : 22 – 23 en Galates 3 : 13 « Maudit soit quiconque est pendu au bois. » (p. 205).  Remarquons bien que le texte du Deutéronome dit dans le verset 21 (qui n’est pas mentionné dans leur livre !) que la personne était exécutée par lapidation.  Ce n’est qu’après sa mise à mort que la personne était « pendu à un bois », exposée à la vue de tous.  Cela n’était pas le cas pour Jésus ! (4) Le Seigneur a été cloué au bois pour y mourir.  Le passage du Deutéronome ne correspond donc pas du tout à la mise à mort de Jésus, d’autant plus que c’est par les Romains selon leur mode qu’il a été exécuté.  Ce que Paul met en évidence, c’est l’aspect de la malédiction quand Jésus était attaché au « bois ».  Par ailleurs, ce mot « xulon » peut aussi signifier « croix » ! (1).  Cette « preuve la plus convaincante », est à côté du sujet de la mise à mort de Jésus.  Il n’y a ni preuve, ni rien de convaincant.


Une confirmation archéologique : en 1968, 15 ossuaires furent découverts à Giv’at mivtar près de Jérusalem.  Parmi les ossements les restes de certains  crucifiés.  Les résultats ont été publiés par le professeur N. Haas dans la revue « Les dossiers de l’Archéologie (n° 10, p 107).  Sa conclusion est claire : les crucifiés avaient les bras étendus à l’horizontale.  Trois chercheurs hébraïques ont contesté certains éléments des conclusions,
mais seulement en ce qui concerne la position des pieds.  Tous sont d’accord que les bras des suppliciés étaient étendus.  Nous avons donc une preuve du 1er siècle qu’il y avait des crucifixions à Jérusalem sur des croix avec transversale !

Nos conclusions sont les suivantes :
1)      La terminologie grecque du NT laisse la possibilité ouverte : il peut s’agir d’une croix avec barre transversale, il est erroné d’affirmer le contraire.
2)     L’histoire nous apprend des milliers de cas de crucifixion par les Romains avec des croix de formes diverses, dont des croix en forme de T et en forme de la croix latine avec une barre horizontale.
3)     Les textes bibliques indiquent la connaissance de la crucifixion avec la barre transversale (Josué 8 : 29 dans la LXX, Jésus et Simon qui ont porté la poutre horizontale de la croix, et  ce que Jésus dit de la mort de Pierre, Jean 21 : 18 – 19).
4)     Les textes des Evangiles correspondent parfaitement à la crucifixion sur une croix avec barre horizontale.
5)     Plusieurs textes des Evangiles s’opposent à la théorie du simple poteau.
6)     Il y a une nette différence entre l’usage de pendre des personnes déjà mises à mort sur un bois (Dt. 21 : 21 – 23), et la crucifixion de Jésus qui implique le bois comme moyen d’exécution.
7)     Galates 3 : 13 ne prouve ni le poteau, ni la croix.
Nous optons clairement pour la traduction de la croix avec traverse sur base de la signification des mots grecs, des renseignements historiques et archéologiques et surtout des évidences des textes bibliques. 

S’agit-il de la croix en forme de T (croix comissa) ou de la croix en forme latine (croix immissa) ? Les pères d’Eglise (Tertullien, Origène, …) ont opté pour la croix en forme de T (5), par contre Irénée de Lyon parle des « 5 extrémités de la croix » (ce qui dans aucun cas ne peut correspondre au simple poteau) : beaucoup de commentateurs l’ont compris comme la croix latine.  Quand les témoins anciens sont plutôt en faveur de la croix en forme de T, la mention biblique de l’écriteau fixée au-dessus de la tête de Jésus (Mt. 27 : 37) plaide pour une croix avec une partie du poteau vertical qui surpassait la poutre horizontale.

Terminons avec la remarque que l’essentiel n’est pas la forme précise de la croix de Jésus, mais que le Seigneur a donné sa vie pour ceux qui croient en Lui, qu’Il a payé le prix pour nous racheter (Jean 10 : 11, 1 Cor. 6 : 20).  Ce n’est pas le bois qui sauve, mais Jésus sur la croix qui nous sauve (Jean 3 : 15 – 16). 

Dans un prochain article révélateur, nous analyserons la méthodologie employée par les Témoins de Jehovah pour la rédaction de l’article « Poteau de supplice » (TMN, p. 1702 es.).

Pasteur Emile Carp

Notes :

(1)  Même remarque par rapport au mot grec « xulon » qui selon l’appendice « montre qu’il s’agissait bien d’un poteau vertical sans traverse ».  Dans Thayer’s … (p. 432, n° 3586) ce mot est d’abord défini comme bois, puis par ce qui est fabriqué de bois : un poteau, … une croix !!!  Manifestement, encore une fois rien n’indique qu’il s’agit d’un poteau sans traverse ! Par contre, la traduction de la LXX de Josué 8 : 29 parle de « xulon didumon », ce qui signifie « bois double », référence claire à la connaissance des traducteurs de la croix composée de deux poutres !
(2)   New Bible Dictionnary, second edition, IVP, Leicester 1986, article « Cross, crucifixion », p. 253 – 254.  L’article mentionne aussi la crux decussata en forme de X, mais d’autres commentateurs affirment que cette croix ne serait apparue que vers le 10e siècle.  Comme personne ne propose cette forme de croix pour la mort de Jésus, nous la laissons hors de cette discussion.
(3)    Calcul de la longueur du poteau vertical : au moins 40 cm dans le sol pour qu’il reste debout, au moins 240 cm jusqu’à la bouche de Jésus (on lui a donné à boire avec une éponge fixée sur un tige d’hysope, Jean 19 : 29 : jusqu’à 200 cm tout adulte aurait pu donner à boire à Jésus sans tige, la longueur de la tige est difficile à estimer, nous pensons être dans une échelle basse avec 40 cm), la distance de la bouche jusqu’à l’extrémité des mains clouées au-dessus de la tête près de 60 cm (mesurez vous-même !), puis il fallait encore placer l’écriteau au-dessus des mains : au moins 30 cm supplémentaires.  Total : 40 + 240 + 60 + 30 = 3,70 m
(4)   La Mishna juive n’admettait que 4 formes de mise à mort : lapidation, feu, décapitation et strangulation (Mishna Sanhedrin 7 : 1).  « Ossuaries and the Burials of Jesus and James », Journal of Biblical Literature, 124/1, 2005, Jody Magness, p. 142.  Elle y explique bien la différence entre ceux qui étaient pendus les mains cloués au poteau après avoir été tués, et ceux qui étaient crucifiés : « la crucifixion romaine impliquait que les bras de la victime toujours vivante étaient étendus pour être attachés à la poutre transversale de la croix, soit par des clous, soit par des cordes. » (traduction EC).

(5)    A notre connaissance, la mention la plus ancienne de la forme de la croix est celle donnée dans l’épître de Barnabé, rédigé entre l’an 70 et 130 : « La croix en forme de T devait apporter la grâce. » (Barnabé 9.8).  Dans toute la littérature de cette époque, jamais la forme du poteau n’est attestée !