mardi 26 août 2014

Chapitre 6 : L’argument de Juste Lipse : en faveur du poteau ou de la croix ?


Puis, au milieu de la page 1703, l’attention de tout lecteur est attirée par une image d’un homme cloué sur un poteau, les mains au-dessus de la tête et les pieds sur la partie inférieure.  L’illustration provient du livre « De cruce libri tres » (Antverpiae, Ex Officina Plantiniana, 1606, p. 19) ouvrage écrit par Justus Lipsius, professeur d’université à Leyde (1578 – 1591) et à Louvain (1592 – 1606).   Il était un grand spécialiste des auteurs latins, plus particulièrement de Sénèque.  Encore aujourd’hui, on peut admirer dans le Musée Plantin Moretus à Anvers la chambre où il a travaillé après son retour de la  Hollande en 1592.  Sur la photo nous voyons la « chambre de Juste Lipse » avec la peinture « Les quatre philosophes » au-dessus de la cheminée et son propre portrait au-dessus de la porte.


D’origine flamande, né en 1547 à Overijse une quinzaine de km au sud-est de Bruxelles, il a suivi la Réforme et a contribué à la formation de centaines d’étudiants dans la nouvelle université de Leyde pendant 13 ans.  En 1591, il quitte les Pays-Bas, effectue un long périple en Allemagne, et arrive à Liège en1592.  Suite aux discussions avec l’Evêque d’Anvers Lievin Torrentius il revient au catholicisme.  Son
L'approbation de H. Cuyckius
dans l'édition de 1606
livre « De Cruce libri tres » a été 
rédigé en 1592, car la préface de la première édition imprimée à Paris est datée du 4 novembre 1592.  Signalons aussi l’approbation datée du 12 décembre 1592 d’Henricus Cuyckius, doyen de l’université de Louvain où il allait enseigner de longues années, également censeur des livres royaux.

            Son œuvre « De cruce libri tres », marque son retour au catholicisme : publiée durant la 1e année de son retour à l’Eglise romaine, acceptée par la censure, Juste Lipse a été nommé comme enseignant à l’université de Louvain.  Néanmoins, il a sans doute glané beaucoup de ses pensées le long des années à l’université de Leyde, attestant ainsi que le Latin était une langue importante de la formation des pasteurs en son temps. 

Page d'ouverture du livre
            « De cruce libri tres » a vu une dizaine d’éditions avant la fin du 16e siècle, suivis d’autres au 17e siècle, dont celle citée dans l’Appendice.  Pour notre étude, il n’y avait pas de meilleur endroit : c’est dans le Musée Plantin Moretus, là où l’œuvre a été imprimée, que nous l’avons consultée. 

            Pour clarifier la présentation, l’œuvre est un triptyque de trois livres qui forment un tout : après les introductions se trouve le Liber Primus (p. 13 – 34), puis le Liber Secundus (p. 35 – 53), suivi du Liber Tertius (p. 53 – 78), puis suivent les notes et l’index (p. 79 – 102).  

            Par l’image reproduite dans l’Appendice à la page 1703, l’impression est donnée que le grand érudit était convaincu que Jésus serait mort sur un poteau.  Beaucoup de Témoins de Jéhovah ont cru qu'il était un défenseur du poteau, il n'en est pas ainsi.  Les auteurs ne mentionnent pas que dans son livre se trouvent en total 13 représentations de crucifixion (1) :
1) deux (seulement !) sur un poteau, p. 19 et 67 (entouré d'un bûcher),
2) neuf sur une croix avec traverse.  Voici trois illustrations photographiées dans le livre : (2)

Croix en forme de Y, avec barre
traversale et avec  furca
Croix avec traverse, page 47
Chrétiens crucifiés et dévorés
par les fauves sous Néron



3) trois autres formes : cloué sur un arbre (p. 18), empalé sur un pieu (p. 20), et crucifié sur une croix d'André (p. 23).


Le poteau de Juste Lipse
 représenté dans l'Appendice
             Dans l'annexe 2 nous avons reproduit toutes ces illustrations, ce qui nous aide à mieux comprendre l'oeuvre de Juste Lipse.  Un élément qui ressort de la comparaison des différentes représentations de la croix, est que certaines étaient fixes, donc immobiles, tandis que d'autres pouvaient être enlevées, donc mobiles.  Et qu'en est-il du poteau représentée à la page 1703 de l'Appendice ? Il se situe parmi les poteaux et croix fixés dans le sol, immobiles ! Le poteau n'est pas tout à fait droit, il semble s'agir d'un vieux tronc d'arbre enraciné dans le sol, à la base poussent quelques petites herbes, il n'y a aucune cale comme pour les croix mobiles.  
            Alors, quelle croix Jésus a-t-il portée de Gabbatha à Golgotha (cf. Jean 19 : 13 - 17) ?!!

              Juste Lipse a représenté un grand nombre de formes de crucifixion, le poteau n’en est qu’une parmi d’autres, sa conviction était que Jésus mourut sur une croix.  Ainsi, l’argument de Juste Lipse est favorable à ceux qui affirment que Jésus a été cloué sur une croix avec traverse, car c’est en connaissance de cause que l’érudit n’a pas retenu le poteau pour la crucifixion de Jésus !

Résumé :

Dans le même livre, Juste Lipse a représenté neuf illustrations de crucifixion sur la croix avec traverse.
Il connaissait bien les différentes formes de crucifixion, dont celle sur le simple poteau.  Sa conviction pour la croix fait que l’argument de Juste Lipse est pour ceux qui affirment que Jésus est mort sur une croix.
L'illustration du poteau fixe pose la question quelle croix Jésus a portée ?! Cette question est peut-être plus sérieuse qu'elle ne le paraît ...

Notes :

(1)   Dans d’autres éditions, p.ex. celle de 1598, les illustrations peuvent être légèrement différentes, voire plus nombreuses !
(2) Les illustrations de la croix avec transversale se trouvent à la page 25, 47, 61 et 62 (sur une croix en Y, avec patibulum et furca), 65 (deux formes de crucifixion la tête en bas), 69 (dévoré par les animaux) et 88 (deux représentations) et une autre avec la furca accrochée au poteau.