Selon les auteurs de l’Appendice, la
croix serait un symbole païen de la Chaldée antique utilisé depuis des siècles
avant Jésus-Christ, spécifiquement un symbole du dieu Tammouz. C’est vers le milieu du 3e siècle
que ceux qui rejoignaient les Eglises en masse auraient importés leurs signes
païens (Appendice, paragraphe 1, lignes 5 – 7, paragraphe 3 : lignes 11
es.).
Remarquons
que ces informations proviennent du Vine’s
Complete Expository Dictionnairy of Old an New Testament Words page 138 qui
reproduit des arguments des protestants Darbystes dont certains avaient rejeté
la forme traditionnelle de la croix. Tout
le 3e paragraphe de l’Appendice à partir de la 5e ligne
est une longue citation de Vine’s. La citation est exacte, mais les affirmations
sont-elles vraies ?
a) Avant l’an 250 tous les chrétiens pensaient-ils que
Jésus était cloué sur un poteau ?
L’affirmation
que les Eglises chrétiennes auraient adopté la croix avec traverse au milieu du
3e siècle présuppose qu’avant l’an 250 tous les chrétiens pensaient
que Jésus était cloué sur un simple poteau.
Ceci est impossible à démontrer :
ni par les textes des trois premiers siècles, ni par des découvertes
archéologiques. Aucun écrit ne mentionne
que Jésus ait été cloué sur un poteau.
Par contre, la forme de la croix avec traverse est mentionnée à maintes
reprises avant l’an 250. La première
indication date d’avant l’an 110 de notre ère, passage qui exclut la forme du
simple poteau. Voir pour plus de détails
au chapitre 9.
b) La croix avec traverse provient-il du culte du dieu
Tammouz ?
Une deuxième affirmation concerne
l’influence du culte du dieu Tammouz,
une divinité chaldéenne. Mais ce
culte était-il tellement répandu après le 1er siècle que partout les
Eglises puissent changer du poteau à la croix ? Comme nous le verrons au
chapitre neuf, avant la moitié du 3e siècle, les chrétiens en France,
Rome, Afrique du Nord, Egypte et du Moyen-Orient Alexandrie croyaient à la
croix avec traverse. Pour que le culte
de Tammouz puisse exercer une telle influence, elle a dû l’exercer partout dans
l’empire romain, où sont les traces du culte de Tammouz dans l’empire romain ?
Impossible à trouver ! En plus, ce culte a dû exercer son influence bien
plus tôt si la conception de la croix est de sa provenance ! Dans les cinq
livres d’Irénée de Lyon « Contre les Hérésies », le culte de Tammouz
n’est pas mentionné une seule fois. D’un
autre livre, « Le culte et les fêtes d’Adônis-Thammouz dans l’Orient
antique », nous apprenons que le culte d’Adonis était assez répandu au
Liban et même en Israël, mais ce livre ne fait aucune référence au symbole du
Tau. L’épi, le sanglier, le soleil, …
pouvaient être des signes d’Adonis, mais la lettre Tau n’est pas mentionnée. Ni Adonis, ni Tammouz ne sont représentés
pendus à un poteau. Nous avons cherché
une influence possible du culte de Tammouz ou d’Adonis-Tammouz par rapport à la
croix, et nous n’avons rien trouvé. (1)
L’affirmation est impossible à démontrer, et encore moins à dater. Même dans les publications des Témoins de
Jéhovah différentes dates circulent, comme l’adoption de la croix sous
l’empereur Constantin, c’est-à-dire vers l’an 320, donc quelque 70 ans plus
tard. (2)
c) Quelles traces des débats théologiques ?
Supposons
que les auteurs de l’Appendice ont raison, alors la compréhension de la mort de
Jésus sur le poteau était celle d’origine qui s’est développée pendant au moins
200 ans. Dans ce cas, la nouvelle
conception a nécessairement dû susciter des débats. Nous savons que Justin Martyr, Irénée,
Tertullien ont discuté fermement avec des Juifs et des gnostiques de toute
sorte. De grands débats ont été menés
dans l’Eglise des premiers siècles, mais il n’y a aucune trace de débat sur la
forme de la croix.
d) Première cerise sur le gâteau : la croix existante
depuis l’Eglise primitive !
Dans
son livre Das Kreuz und die Kreuzigung
(3), cité avec approbation à la page 1703 dans l’Appendice, l’auteur Hermann Fulda contredit une introduction tardive de la croix. Pour lui la forme de la croix existait depuis
l’Eglise primitive : « dans la Tradition de l’Eglise primitive
existait à côté de l’une aussi l’autre représentation de la crucifixion de
Jésus » (p. 223, lignes 20 – 21,
cf. p. 228, rubrique 354, ligne 7 es.).
Pour Fulda, les deux formes de la croix coexistaient depuis les origines
dans les Eglises (bien qu’il affirme que le poteau aurait légèrement précédé la
croix), c’est Tertullien qui vers l’an 210 aurait permis à la croix avec
traverse de prendre le dessus (p. 229, ligne 1 es.).
e) Deuxième cerise sur le gâteau : la croix comme
rejet des symboles païens !
Et
il y a plus : il contredit aussi
que la croix soit d’origine païenne.
Fulda écrit que Tertullien ne voulait pas du poteau parce que c’était un
symbole païen qui rappelait Hermès, le dieu des voyageurs. L’image d’Hermès était sculptée sur des
colonnes en grand nombre le long des rues d’Athènes (p. 222 – 223). Le
poteau était un signe d’idolâtrie : le choix de la croix avec traverse était
donc une option anti-païenne ! Quelques pages plus loin, Fulda écrit
que Tertullien aurait agi « à cause de son zèle pour la pureté de
l’Eglise », qu’il s’agissait d’un « avertissement de la similitude
avec les cultes païens » (p. 229, lignes 5-6, lignes 13 – 14). Donc, les
auteurs affirment que les Eglises ont adopté un symbole païen, tandis que
l’œuvre qu’ils citent affirme haut et fort le contraire sur plusieurs pages,
que c’était pour purifier l’Eglise d’un symbole païen que la forme de la croix avec
traverse a été adoptée !
Remarquons
que les affirmations de Fulda mentionnés ci-dessus suivent directement la
citation donnée dans l’Appendice à la page 1703 : elles expliquent les 3
points mentionnés dans dans le 5e paragraphe, elles donnent leur
sens selon la conception de l’auteur allemand.
Il n’est donc pas possible pour une personne qui effectue un travail consciencieux
de ne pas connaître le contenu des pages 217 – 232 du livre de Fulda.
Résumé :
-
L’Appendice cite
correctement le commentaire du « Vine’s
… Dictionary »
-
Les arguments
avancés sont incorrects : il n’y a aucune trace explicite de Jésus mourant
sur le poteau pendant les trois premiers siècles de notre ère, il n’y a aucune
indication que le symbole de la croix vient du culte de Tammouz, voire d’Adonis.
-
L’auteur H.
Fulda, cité avec approbation, affirme dans le contexte direct du passage cité à
la page 1703 : 1) que la forme de la croix existait depuis l’origine de l’Eglise
primitive avec le poteau, 2) que les Eglises auraient adopté la croix avec
traverse pour ne pas utiliser un symbole païen = le poteau.
-
Il y a une
contradiction phénoménale dans l’Appendice entre l’affirmation que la croix
serait un symbole païen et la citation de Fulda dont l’explication atteste que
les Eglises ont rejeté le paganisme en adoptant la croix, ainsi que sur la
datation.
Alors, se pose la question : les auteurs
de l’Appendice ignorent-ils le contenu des pages 220 – 232 de Fulda, manifestant
ainsi une incompétence (p.ex. une incapacité de lire l’Allemand), ou écrivent-ils
en connaissance de cause ? Au lieu d’avancer des hypothèses, il serait
mieux que la Société de la Tour de Garde explique les contradictions entre
Fulda (p. 220 – 232) et l’Appendice.
(1)
« Le
culte et les fêtes d’Adônis-Thammouz dans l’Orient antique », Charles
Vellay, Paris 1904, https://archive.org/stream/leculteetlesfte01vellgoog#page/n10/mode/2up
(2)
« Qu’enseigne
réellement la Bible ? », Editions les Témoins de Jéhovah 2005, p.
205.
(3) « Das Kreuz und die Kreuzigung », Hermann
Fulda, Breslau 1878, https://archive.org/stream/daskreuzunddiek01fuldgoog#page/n43/mode/2up