mardi 26 août 2014

Chapitre 1: La forme de la croix avec traverse est-elle un symbole païen ?

Selon les auteurs de l’Appendice, la croix serait un symbole païen de la Chaldée antique utilisé depuis des siècles avant Jésus-Christ, spécifiquement un symbole du dieu Tammouz.  C’est vers le milieu du 3e siècle que ceux qui rejoignaient les Eglises en masse auraient importés leurs signes païens (Appendice, paragraphe 1, lignes 5 – 7, paragraphe 3 : lignes 11 es.). 


            Remarquons que ces informations proviennent du Vine’s Complete Expository Dictionnairy of Old an New Testament Words page 138 qui reproduit des arguments des protestants Darbystes dont certains avaient rejeté la forme traditionnelle de la croix.  Tout le 3e paragraphe de l’Appendice à partir de la 5e ligne est une longue citation de Vine’s.  La citation est exacte, mais les affirmations sont-elles vraies ?

a)      Avant l’an 250 tous les chrétiens pensaient-ils que Jésus était cloué sur un poteau ?

            L’affirmation que les Eglises chrétiennes auraient adopté la croix avec traverse au milieu du 3e siècle présuppose qu’avant l’an 250 tous les chrétiens pensaient que Jésus était cloué sur un simple poteau.  Ceci est impossible à démontrer : ni par les textes des trois premiers siècles, ni par des découvertes archéologiques.  Aucun écrit ne mentionne que Jésus ait été cloué sur un poteau.  Par contre, la forme de la croix avec traverse est mentionnée à maintes reprises avant l’an 250.  La première indication date d’avant l’an 110 de notre ère, passage qui exclut la forme du simple poteau.  Voir pour plus de détails au chapitre 9.

b)     La croix avec traverse provient-il du culte du dieu Tammouz ?

Une deuxième affirmation concerne l’influence du culte du dieu Tammouz,  une divinité chaldéenne.  Mais ce culte était-il tellement répandu après le 1er siècle que partout les Eglises puissent changer du poteau à la croix ? Comme nous le verrons au chapitre neuf, avant la moitié du 3e siècle, les chrétiens en France, Rome, Afrique du Nord, Egypte et du Moyen-Orient Alexandrie croyaient à la croix avec traverse.  Pour que le culte de Tammouz puisse exercer une telle influence, elle a dû l’exercer partout dans l’empire romain, où sont les traces du culte de Tammouz dans l’empire romain ? Impossible à trouver ! En plus, ce culte a dû exercer son influence bien plus tôt si la conception de la croix est de sa provenance ! Dans les cinq livres d’Irénée de Lyon « Contre les Hérésies », le culte de Tammouz n’est pas mentionné une seule fois.  D’un autre livre, « Le culte et les fêtes d’Adônis-Thammouz dans l’Orient antique », nous apprenons que le culte d’Adonis était assez répandu au Liban et même en Israël, mais ce livre ne fait aucune référence au symbole du Tau.  L’épi, le sanglier, le soleil, … pouvaient être des signes d’Adonis, mais la lettre Tau n’est pas mentionnée.  Ni Adonis, ni Tammouz ne sont représentés pendus à un poteau.  Nous avons cherché une influence possible du culte de Tammouz ou d’Adonis-Tammouz par rapport à la croix, et nous n’avons rien trouvé.  (1) L’affirmation est impossible à démontrer, et encore moins à dater.  Même dans les publications des Témoins de Jéhovah différentes dates circulent, comme l’adoption de la croix sous l’empereur Constantin, c’est-à-dire vers l’an 320, donc quelque 70 ans plus tard. (2)

c)      Quelles traces des débats théologiques ?

            Supposons que les auteurs de l’Appendice ont raison, alors la compréhension de la mort de Jésus sur le poteau était celle d’origine qui s’est développée pendant au moins 200 ans.  Dans ce cas, la nouvelle conception a nécessairement dû susciter des débats.  Nous savons que Justin Martyr, Irénée, Tertullien ont discuté fermement avec des Juifs et des gnostiques de toute sorte.  De grands débats ont été menés dans l’Eglise des premiers siècles, mais il n’y a aucune trace de débat sur la forme de la croix. 

d)     Première cerise sur le gâteau : la croix existante depuis l’Eglise primitive !

            Dans son livre Das Kreuz und die Kreuzigung (3), cité avec approbation à la page 1703 dans l’Appendice, l’auteur Hermann Fulda contredit une introduction tardive de la croix.  Pour lui la forme de la croix existait depuis l’Eglise primitive : « dans la Tradition de l’Eglise primitive existait à côté de l’une aussi l’autre représentation de la crucifixion de Jésus »  (p. 223, lignes 20 – 21, cf. p. 228, rubrique 354, ligne 7 es.).  Pour Fulda, les deux formes de la croix coexistaient depuis les origines dans les Eglises (bien qu’il affirme que le poteau aurait légèrement précédé la croix), c’est Tertullien qui vers l’an 210 aurait permis à la croix avec traverse de prendre le dessus (p. 229, ligne 1 es.).   

e)      Deuxième cerise sur le gâteau : la croix comme rejet des symboles païens !

            Et il y a plus : il contredit aussi que la croix soit d’origine païenne.  Fulda écrit que Tertullien ne voulait pas du poteau parce que c’était un symbole païen qui rappelait Hermès, le dieu des voyageurs.  L’image d’Hermès était sculptée sur des colonnes en grand nombre le long des rues d’Athènes (p. 222 – 223).  Le poteau était un signe d’idolâtrie : le choix de la croix avec traverse était donc une option anti-païenne ! Quelques pages plus loin, Fulda écrit que Tertullien aurait agi « à cause de son zèle pour la pureté de l’Eglise », qu’il s’agissait d’un « avertissement de la similitude avec les cultes païens » (p. 229, lignes 5-6, lignes 13 – 14).  Donc, les auteurs affirment que les Eglises ont adopté un symbole païen, tandis que l’œuvre qu’ils citent affirme haut et fort le contraire sur plusieurs pages, que c’était pour purifier l’Eglise d’un symbole païen que la forme de la croix avec traverse a été adoptée !

            Remarquons que les affirmations de Fulda mentionnés ci-dessus suivent directement la citation donnée dans l’Appendice à la page 1703 : elles expliquent les 3 points mentionnés dans dans le 5e paragraphe, elles donnent leur sens selon la conception de l’auteur allemand.  Il n’est donc pas possible pour une personne qui effectue un travail consciencieux de ne pas connaître le contenu des pages 217 – 232 du livre de Fulda.

Résumé :
-            L’Appendice cite correctement le commentaire du « Vine’s … Dictionary »
-            Les arguments avancés sont incorrects : il n’y a aucune trace explicite de Jésus mourant sur le poteau pendant les trois premiers siècles de notre ère, il n’y a aucune indication que le symbole de la croix vient du culte de Tammouz, voire d’Adonis.
-            L’auteur H. Fulda, cité avec approbation, affirme dans le contexte direct du passage cité à la page 1703 : 1) que la forme de la croix existait depuis l’origine de l’Eglise primitive avec le poteau, 2) que les Eglises auraient adopté la croix avec traverse pour ne pas utiliser un symbole païen = le poteau.  
-            Il y a une contradiction phénoménale dans l’Appendice entre l’affirmation que la croix serait un symbole païen et la citation de Fulda dont l’explication atteste que les Eglises ont rejeté le paganisme en adoptant la croix, ainsi que sur la datation.

             Alors, se pose la question : les auteurs de l’Appendice ignorent-ils le contenu des pages 220 – 232 de Fulda, manifestant ainsi une incompétence (p.ex. une incapacité de lire l’Allemand), ou écrivent-ils en connaissance de cause ? Au lieu d’avancer des hypothèses, il serait mieux que la Société de la Tour de Garde explique les contradictions entre Fulda (p. 220 – 232) et l’Appendice.

(1)     « Le culte et les fêtes d’Adônis-Thammouz dans l’Orient antique », Charles Vellay, Paris 1904, https://archive.org/stream/leculteetlesfte01vellgoog#page/n10/mode/2up
(2)     « Qu’enseigne réellement la Bible ? », Editions les Témoins de Jéhovah 2005, p. 205.

(3)     « Das Kreuz und die Kreuzigung », Hermann Fulda, Breslau 1878, https://archive.org/stream/daskreuzunddiek01fuldgoog#page/n43/mode/2up